Dernièrement j’ai écrit un article sur le regard de l’adulte posé sur l’enfant et toutes les projections qu’il y pose dessus consciemment ou pas. Aujourd’hui, je vais développer quel regard l’enfant pose sur les adultes. Pour qu’une communication soit efficace et aisée il est nécessaire de connaître le monde de l’Autre. L’empathie recommande vraiment cette attitude ouverte.

Les enfants évoluent à chaque âge. Leur regard évolue également. C’est seulement lorsqu’ils ont atteint une certaine maturité affective, un niveau de connaissance suffisamment élevé d’eux-mêmes que leur regard se stabilise et que leurs croyances deviennent des convictions et des actes. Selon le regard qu’ils ont reçu pendant l’élaboration de leur maturité, ils développeront soit des carences affectives, une estime de soi et confiance en soi basse soit bien au contraire ils seront des adultes autonomes et authentiques qui n’auront pas besoin de défendre une image d’eux-mêmes.

Le tout jeune nourrisson regarde sa mère comme son propre moi. Il ne distingue pas la différence, ni les frontières qui les séparent. Elle et lui sont UN, une union indicible et inséparable. Il est dans le fantasme de la fusion. Son regard est exclusif, il ne veut qu’une seule personne, sa mère, celle qui lui a donné la Vie, celle dont il est totalement dépendant; celle qui le nourrit et prend soin de ses besoins affectifs et physiologiques. Les Autres ne l’intéressent pas que par moment. Il peut ressentir de l’empathie envers un autre bébé qui pleure et pleurer aussi mais ça s’arrête là.

C’est pourquoi, la séparation d’avec la mère quand il doit aller en crèche ou en nounou pour X raisons (travail, maladie, divorce…) peut être difficile et douloureux. Il ressent un mal-être intérieur car son environnement a changé. Lui qui était au centre de l’univers va devenir un nourrisson parmi d’autres. Le choc peut être vécu plus ou moins mal selon son niveau de sécurité acquis et du niveau de projections de sa mère. Sa mère est-elle confiante envers les professionnels ? Est-elle prête elle-même de se séparer de son enfant ? Lui fait-elle suffisamment confiance dans sa capacité à se séparer d’elle ? L’a t-elle  prévenu de ce changement ? … C’est pourquoi il est nécessaire que la professionnelle soit attentive aux questions de la maman et y réponde en la sécurisant. Ce moment d’adaptation se fait avec la collaboration de ses parents.

Puis en grandissant, son regard se tourne vers les siens. Il va chercher le regard de reconnaissance de l’adulte, le regard d’encouragement. Il craint le regard désapprobateur de celui-ci, tout de suite, il peut se sentir rejeté. Par exemple deux enfants se disputent un jouet, ils vont regarder l’adulte pour qu’il appuie sa demande. Si le professionnel choisit l’un des deux protagonistes et donne la poupée à l’autre, il peut se jeter au sol et hurler son désespoir de ne pas avoir été choisi. Que se passe t-il en lui ? Il souffre de la blessure du rejet avec une carence de son besoin de reconnaissance. Que faire ? Ne pas donner l’objet ni à l’un ni à l’autre. Offrir une explication tranquillement et surtout considérer les besoins de chacun, les exprimer et leur proposer à chacun un câlin de compensation. 

En principe l’enfant comprend qu’il a été entendu dans son besoin de reconnaissance et d’affection et il se calme. Il a besoin d’être rassuré qu’il est « une personne que l’on voit et entend ». Par exemple lui dire : « je te vois, j’ai entendu ton besoin de jouer avec cette poupée, je vois que tu es en colère car tu préfères jouer seul(e), j’accepte ta colère, je l’accueille sans la juger,  tu vois aussi cet enfant, elle aussi elle a le même besoin que toi, comment faire alors ? Je vous propose de venir sur le tapis des émotions et d’exprimer toutes vos émotions, de vous faire un gros câlin pour sécher les larmes et ensuite, on va essayer de trouver un jeu où vous pouvez jouer ensemble ou seul(e) ». Offrir un choix, c’est de stimuler son libre-arbitre tout en respectant le libre-arbitre de l’autre enfant. La professionnelle entraîne les 2 enfants dans l’espace des émotions, ils peuvent exprimer leur colère ou tristesse sur un objet à décharge émotionnelle. Puis elle les amène à se réconcilier s’ils sont d’accord et à trouver un autre jeu.

La communication consciente et bienveillante mise en place dans ce type de situation est bénéfique car elle permet de résoudre les conflits dans la paix et surtout sur un long terme. Chez l’enfant l’apprentissage de la frustration demande la patience et de l’écoute. Il pourra améliorer son niveau de tolérance à celle-ci s’il se sent entendu et accepté malgré ses cris ou ses pleurs.

L’enfant va construire sa valeur de lui-même en fonction de son observation sur l’adulte et de son comportement. C’est un buvard à émotions et il a besoin d’aide pour trier ce qui est bon pour lui et ce qui est à évacuer. De 0 à 5 ans, l’enfant considère la toute-puissance de l’adulte sur lui. Il attend tout de lui.Il se sait vulnérable, fragile et impuissant. Son regard sera principalement axé sur une demande de sécurisation, de reconnaissance et d’affection.

Avec bienveillance et douceur

Sabine-Hoa