article tiré de : http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Estime-de-soi/Articles-et-Dossiers/Comment-se-deculpabiliser/Coupables-certes-Mais-de-quoi/4

Difficile de cerner ce sentiment qui dépend de notre personnalité, de notre histoire, de nos valeurs… Il peut même nous torturer intérieurement à notre insu !

 » Ce matin, je ne comprends pas pourquoi, j’ai mauvaise conscience, je me sens en trop, pas à ma place. Pourtant, je n’ai rien fait de mal.  » Pour les psychanalystes, ce mal-être que tout le monde a pu expérimenter un jour ou l’autre renvoie à un affect archaïque : la culpabilité d’exister, présente en nous dès la naissance. Naître, c’est se placer sous la coupe de la pulsion de mort, de l’autodestruction. Par conséquence, vivre revient à désobéir à l’appel du néant. En ce sens, c’est une forme de transgression. Tout être humain, de façon plus ou moins aiguë, se sent coupable d’exister. Mais plus un enfant aura été désiré par ses parents, moins le fait d’exister sera pour lui synonyme de faute.

En général, cette culpabilité-là s’exprime à bas bruit. Pourtant, en certaines circonstances, elle jaillit avec fracas. C’est le cas pour le survivant d’un accident, d’un attentat, d’un massacre, qui a vu les autres périr et s’en sort indemne ou  » seulement  » blessé. Il s’en veut d’être encore en vie –  » Pourquoi ai-je été épargné ? Pourquoi n’ai-je pas péri moi aussi ?  » –, comme si survivre était le plus grand des péchés.

Le besoin de punition

 » Je ne comprends pas pourquoi le sort s’acharne sur moi, pourquoi j’ai si peu de chance. Ma vie – ou ce moment de ma vie – n’est qu’une série d’échecs. Mes partenaires amoureux me trahissent, mes “amis” me lâchent régulièrement, tous mes projets capotent !  »
Cette situation se nomme la  » névrose d’échec « , une des manifestations les plus ordinaires de la culpabilité inconsciente. Découverte par Freud, elle est un reliquat du complexe d’Œdipe. Nos désirs interdits pour le parent du sexe opposé au nôtre et nos sentiments hostiles pour le parent du même sexe ont été refoulés, mais ils n’en continuent pas moins de subsister en silence. Et, chez certains individus – pour des raisons liées à leur histoire et à la sévérité de leur surmoi –, ils deviennent source de culpabilité intense.

Les autres formes d’expression courantes de la culpabilité inconsciente sont la dépression, l’angoisse – un état anxieux chronique ou des crises d’angoisse survenant, comme dans le cas de Sonia, quand un acte particulier et anodin est associé dans l’inconscient à l’idée de faute – et, surtout, le besoin de punition.
« Mon fils ne fait que des bêtises et il ne travaille pas en classe. » Variante : « Mon enfant tombe sans cesse malade et il a tendance à se faire mal plus souvent que ses copains. C’est comme s’il recherchait les coups », s’étonne une mère. A tout âge, la culpabilité inconsciente pousse, malgré soi, à rechercher la punition sous toutes ses formes : de la gifle à la maladie en passant par la jambe cassée.

Trop envahissante, elle mène parfois aussi à la délinquance. Elle est à l’origine de bien des crimes effectués sans mobile apparent. A son insu, l’individu agit pour que des mots soient mis sur un malaise intérieur indéfinissable, pour être officiellement déclaré coupable et puni par la loi.

La culpabilité pathologique

Les psychanalystes s’accordent pour situer la culpabilité entre le normal et le pathologique, sans qu’il soit possible de véritablement trancher.
Sauf quand elle prend des dimensions démesurées, ou dans le cas d’une névrose obsessionnelle, lorsque la personne se sent perpétuellement coupable : « J’ai sans cesse l’impression d’être en faute, même quand je n’ai rien fait. En plus, j’ai très souvent la sensation d’avoir lésé des gens à qui, objectivement, je n’ai causé aucun tort. J’ai peur de perdre le contrôle, ne serait-ce que cinq minutes: et si, pendant ce temps, j’allais agresser ou insulter quelqu’un, ou dire d’affreuses obscénités ? Rationnellement, je pense que ça n’arrivera pas, mais je ne peux m’empêcher d’avoir ce genre d’idées. »

Plus grave encore, la psychose mélancolique, qui nécessite un véritable traitement psychiatrique : le mélancolique vit en effet dans un authentique délire. Il s’imagine être responsable de tous les malheurs de l’humanité, de tous les conflits meurtriers, bref, de tout ce qui se passe mal dans le monde. Il est donc intimement convaincu d’être indigne de vivre. Dans certains cas, cette pathologie peut mener au suicide. On le voit, les visages de la culpabilité sont pluriels, et souvent difficilement reconnaissables. Un phénomène récurrent toutefois : la culpabilité fait souffrir.

Pourtant, bien qu’on tende à l’oublier, elle peut être également une stratégie pour éviter d’avoir à assumer le poids de ses actes.  » Je suis coupable, je suis un grand pécheur, regardez comme je me punis, regardez comme je souffre…  » Se présenter ainsi à la face du monde, en se fustigeant, en attendant le pardon, l’absolution, est bien souvent une solution de facilité pour se déresponsabiliser vis-à-vis de soi-même, de ses désirs. C’est une façon de dire :  » Ne me reprochez rien, car c’est moi, et moi seul, qui fixe le prix de mes fautes.  » Et, par là même, de réduire autrui au silence.

A voir également un article que j’ai écrit : https://aufildesmotsjesuislecreateur.wordpress.com/2016/03/31/cest-de-ta-faute/